Les jouets ont-ils un 'sexe' ?

Par LMT

Avez-vous grandi avec des vêtements et jouets unisexes, comme le Monopoly et les jeans, ou plutôt avec des choses étiquetées « pour les filles » ou « pour les garçons », comme des papiers peints à fleurs, des vêtements roses et des poupées pour les filles, et des vêtements bleus, des voiturettes et des trains pour les garçons ?

Comment avez-vous été vous-même impacté.e par les stéréotypes dans lesquels vous avez baigné dans votre enfance ?

Avec perspective, auriez-vous aimé qu'il en ait été autrement ?

Les jouets ne sont pas innocents ! Leurs fonctions, couleurs et usages, ont la capacité d'imprégner le subconscient de nos enfants en leur imprimant très jeunes des rôles définis dont ils auront par la suite du mal à se dépêtrer...

Historiquement, les filles ont été associées à des rôles domestiques, artistiques ou maternels, et à des jeux très liés à l'apparence ; et les garçons, à des rôles de force, d'exploration, de conquête...

Et jusqu'à aujourd'hui, beaucoup de parents ne se posent même pas de questions au sujet de ces traitements « sexistes ».

Dès qu'elles apprennent le sexe de leur bébé pendant leur grossesse, des mamans courent acheter des vêtements bleus à leur futur garçon, et de jolies robes roses à leur fille. Et que dire de celles qui choisissent entièrement le décor de la chambre du futur bébé en fonction du fait que celui-ci sera un gars ou une fille ?

Cependant, d'autres parents jugent qu'agir ainsi contribue à perpétuer les stéréotypes et à continuer de cliver la société en deux groupes bien définis dans leurs rôles et leurs différences. Alors même que leurs enfants sont encore très petits, ils adoptent des initiatives visant à déconstruire les préjugés et à planter très tôt la graine de rapports égalitaires entre les futurs hommes et femmes.

Il faut d'abord prendre conscience des préjugés et des stéréotypes que l'on contribue à perpétuer !

Parfois, on ne se rend même pas compte de la portée de nos paroles ou de nos actes, ni de la manière dont ils contribuent à façonner l'esprit de nos enfants.

De simples mots comme « les filles sont douces, alors que les garçons sont turbulents et fonceurs » construisent une image figée, limitée et sexiste, et perpétuent les modèles traditionnels.

Il y a des filles turbulentes et fonceuses, et des garçons doux et empathiques. Les caractéristiques ne sont pas seulement classées en fonction du sexe ;  trop souvent, un même adjectif est associé de façon favorable à un garçon, alors qu'il sera considéré comme dépréciatif dans le cas des filles (ou inversement), comme « fort » et « débrouillard », ou  « gentille » et « obéissante »... 

Est-ce à dire qu'il n'y a pas de différences entre les garçons et les filles ?

Eh bien ! il serait ridicule de nier leur existence.

Rien que sur le plan hormonal et physique, il y en a beaucoup. Ainsi, les garçons tendent à être plus grands et plus forts physiquement, et à avoir une plus grande masse musculaire, mais certaines filles sont plus grandes et plus fortes que certains garçons.

Les garçons tendent à être plus actifs et à privilégier des jeux plus « violents », comme jouer à la guerre, aimer les fusils... Cependant, il est extrêmement difficile de départager les influences sociales et les influences biologiques.

Dans nos sociétés, les filles tendent à pleurer plus facilement et à utiliser leurs larmes à leurs fins, et à aller vers certaines couleurs comme le rose ou le violet, ou certains jeux comme la poupée, mais il est en fait extrêmement difficile de déterminer la part déterminée par leurs gènes (par leur personnalité peut-être naturelle), et celle qui relève de leur environnement.

Vous vous dites peut-être : « C'est génétique parce que chez moi, je n'ai jamais associé ma fille au rose ni je ne l'ai encouragée à jouer à la poupée », mais vous ne tenez pas compte de ce qui est véhiculé et enseigné à la garderie, à l'école, chez les amis de vos enfants, etc.

Si on dit à un garçon qu'il est « normal » qu'il joue avec un camion ou un train, et à une fille qu'il est « normal » qu'elle joue à la poupée, eh bien ! ils auront plus tendance à se « spécialiser » ainsi. Notre société pousse nos enfants à choisir des jeux et des activités sexués.

Vous n'êtes peut-être pas bien conscients du fait que, outre leur visée ludique et parfois pédagogique, les jeux et les activités ont une portée très socialisatrice, et que beaucoup influencent les goûts, les champs d'intérêt, les valeurs et la vision du monde de vos enfants.

Or, sur le marché, dans les magasins ou les catalogues, les jeux sont souvent répartis en fonction du sexe et proposent des univers distincts : par exemple, beaucoup de casse-tête avantagent des thèmes stéréotypés, comme des princesses dans des châteaux dans le cas des filles, et des navires, des avions ou des vaisseaux spatiaux dans le cas des garçons.

Les filles sont poussées à rêver au prince charmant, à soigner leur apparence pour plaire (trousses de maquillage, kit pour monter des bijoux, poupées avec garde-robe faramineuse, etc.), à pouponner (bébés, poussettes, cuisinette…), et les garçons, à réaliser des exploits éclatants, à conquérir le monde, à faire la compétition pour se dépasser (superhéros, vaisseaux spatiaux, trains, mitraillettes en plastiques…) et à user de leur intelligence (casse-têtes,  jeux de construction techniques, etc. )

En outre, même les jouets adoptent des couleurs « féminines » ou « masculines » ! Ainsi, les puzzles ou les vélos destinés aux filles auront une dominante rose, et ceux des gars, des fonds bleus, gris, etc. Les vêtements et les trousses de toilette des filles, à l'instar des habits de leurs poupées, des robes des fées et des princesses, des dînettes et des ustensiles de ménage, ont souvent du rose, du mauve, du jaune, bref, des couleurs douces, alors que les vêtements des garçons, comme leurs avions, leurs voitures, leurs guerriers, etc., ont des teintes « dynamiques » dont le bleu, le rouge et le vert.

On se rend compte que la réalité est encore plus pernicieuse lorsqu'on étudie les livres destinés aux enfants : à quoi ressemblent les modèles de héros et d'héroïnes présentés ? Quel est le pourcentage de héros masculins des livres populaires sur le marché ? Que révèlent les illustrations des ouvrages ?

Par exemple, le papa (humain ou animal) est-il montré sur un fauteuil avec son journal, alors que la maman est à la cuisine avec un tablier ?

Ou encore, la maman est-elle toujours à la maison, alors que le papa est montré dehors, au travail ou dans les champs ?

Quels sont les thèmes proposés ? Des contes de fées aux filles, et des romans d'aventures et d'exploration aux garçons ?

Comment les personnages sont-ils représentés ? Avez-vous déjà vu un papa avec un tablier de cuisine ou des fleurs, et une maman avec un porte-documents ?

Quels sont les adjectifs employés dans le cas des garçons et dans celui des filles ? Les premiers sont-ils « forts », « courageux », « créatifs », « curieux », « actifs » et « sportifs » et les deuxièmes, « maternelles », « douces », « attentives », « patientes », « gentilles » et « belles » ? Étudiez-bien ces critères lorsque vous choisissez des livres à vos petits.

Les livres, les jouets et les jeux contribuent au développement moteur, cognitif et social de l'enfant et favorisent son apprentissage. Ils constituent un matériel éducatif et un moyen de transmission des rôles sociaux. Ils sont importants dans la socialisation et ne devraient pas contribuer à reproduire constamment les stéréotypes sexuels et à perpétuer la ségrégation.

En France la Délégation aux droits des femmes du Sénat formulait des recommandations dans son rapport de décembre 2014 « sur l'importance des jouets dans la construction de l'égalité entre filles et garçons ». Un article du New York Times du 30 octobre 2015 aborde les recherches d'une sociologue de l'Université de Californie montrant que, en 1975, 2 % seulement des jouets du catalogue Sears étaient « genrés », tandis qu'en 2002 tous les jouets du site commercial Disney l'étaient. Selon l'Organisation Adéquations, « après la période féministe des années 70, qui a conduit notamment à des vêtements relativement "neutres", il y a donc un retour en arrière dans l'assignation à des identités sexuées fortement différenciées » .

Que faire ? Faut-il lutter contre tout stéréotype ?

Ce serait puéril, par exemple, d'éviter d'acheter une poupée à sa fille, ou de lui interdire la lecture des contes de fées ! Par contre, il serait bon de réfléchir à la façon de présenter les jouets et les thèmes aux enfants selon leur sexe.

L'idéal est d'exposer ses enfants à toute une variété de modèles de personnages, de héros et d'héroïnes.

Commencez par éviter d'emmener vos enfants dans les grands magasins de jouets où les rayons sont clairement « sexués »...

Choisissez des romans « unisexes » où l'héroïne peut être une fille courageuse, intrépide, débrouillarde, active et exploratrice. Offrez à vos  garçons des jeux d'artisanat, où il n'y a pas de fille montrée sur la boîte, et à vos filles, des jeux de construction où il n'y a pas qu'un garçon montré sur la boîte.

Et, bien sûr, proposez à tous des jeux et des activités qui favorisent l'imagination, les responsabilités, les soins à autrui, la réflexion et l'activité physique !

Stratégies

  • Évitez de favoriser la croyance qu'il y a des jeux ou des activités destinés aux filles et d'autres réservés aux garçons, et intervenez lorsque vous entendez des propos réducteurs comme « les poupées, ou le balai, c'est pour les filles ». Cela limite l'horizon de tous et risque de faire que les personnes qui ne se conforment pas à ces préjugés seront la cible de moqueries destructrices, comme un garçon qui a envie de jouer à la poupée ou une fille qui veut faire partie d'une équipe de football. Dans la vie courante, pourquoi ne pas stimuler l'intérêt de vos enfants pour de même jeux, en dépit du fait que certains soient plutôt étiquetés comme « féminins » ou « masculins » ? Diversifiez l'horizon de vos petits en leur offrant toute une gamme de jouets ou de jeux différents qui leur permettront d'acquérir toutes sortes d'habiletés et d'ouvrir leurs horizons. Les activités n'ont pas de sexe, il est important de le souligner : c'est dans la tête des gens qu'elles en ont un.
  • Organisez très tôt des sorties de famille où tout le monde joue ensemble et participe à de mêmes activités. Les filles ont des besoins moteurs similaires à ceux des garçons. Tous ont besoin d'être encouragés à développer leur motricité fine ou « globale », de se dépenser physiquement et de mener des activités qui les aideront, plus tard, à avoir un mode de vie sain. Et gardez à l'esprit que, si on tolère assez souvent que les filles adoptent des comportements dits « masculins », on ridiculise les garçons qui ont des comportements jugés « féminins ». Cela est plus que dommage. Les activités physiques artistiques (comme la gymnastique, la danse, le yoga pour enfants, le patinage artistique) ne devraient pas du tout être l'apanage des filles, et les activités physiques exigeantes et cardiovasculaires, comme les randonnées,  l'escalade, le patinage de vitesse et les sorties de plein air ne répondent pas plus à des besoins masculins. Accompagnez vos enfants, faites leur découvrir toutes sortes de plaisirs ; toutefois, ne les obligez pas à choisir certains qui les rebutent vraiment. Et, si vous avez un garçon et une fille d'un âge similaire, encouragez-les à s'amuser ensemble.
  • Chez vous, essayez d'éviter de mettre dans la tête de vos enfants qu'il y a des attitudes et des comportements acceptables pour les uns et condamnables pour les autres. Si vous voyez votre fils s'emparer de la poupée de votre fille, ne lui en faites pas le reproche en utilisant un ton ou des sous-entendus méprisants ou dépréciatifs : « Tu aimes jouer à la poupée ?! » Et si, en présence de vos enfants, vous entendez des commentaires désobligeants au sujet de traits de caractère soi-disant associés au sexe, comme « les filles pleurent, pas les garçons ! », déconstruisez ces stéréotypes et expliquez à vos enfants que c'est un préjugé courant, qu'il est normal qu'un garçon pleure aussi quand il a de la peine, et qu'un garçon aussi bien qu'une fille peuvent crâner et essayer de retenir leurs larmes en public. Par ailleurs, pensez-y à deux fois en attribuant des tâches domestiques à vos enfants en fonction de leur sexe : « les filles font le ménage, la cuisine et la vaisselle, les garçons tondent le gazon et sortent les poubelles » ; adultes, ils auront plus de mal à construire des rapports égalitaires et à être autonomes. 
  • Faites attention aux livres que vous choisissez de lire à vos enfants ou que vous leur achetez. Privilégiez ceux qui ne proposent pas des représentations limitées et traditionnelles, et qui ont des personnages très variés. Et, quand vos enfants sont en âge de comprendre, attirez leur attention sur les stéréotypes véhiculés.
  • Essayez de corriger l'idée que les filles doivent accorder une importance très grande à leur apparence physique alors que les garçons, eux, comptent sur leur intelligence, leur courage et leur débrouillardise. De toute façon, toute éducation devrait insister sur l'importance de la beauté intérieure qui rend attirante n'importe quelle personne, plutôt que sur l'apparence extérieure proprement dite. Il est temps de cesser de propager des modèles hypersexualisés insistant sur le paraître.

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Quelques références

  •  « Les livres et les jouets ont-ils un sexe ? », diffusé par le Secrétariat à la Condition Féminine du Gouvernement du Québec : «  Les livres et les jouets ont-ils un sexe ? »  
  • Article « Jouets pour filles, jouets pour garçons, pourquoi ? » d'Yveline Nicolas pour Adéquations
  • Article « Jouets garçons / filles : Comment en est-on arrivé à ces stéréotypes? » du Huffinton Post
  • Article « Genre et jouets : l'avis d'une sociologue », de Lady Dylan pour Mademoizelle
  • Article « Les filles, les garçons et les jouets genrés » de National Geographic

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Un article signé LMT pour PopMoms, tous droits réservés© - Crédit photo : vicko-mozara

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