« Surdoué », « en douance », « à haut potentiel » (HP) ou « à haut potentiel intellectuel », (HPI), « intellectuellement précoce » (IP), « zèbre »... voilà des termes qu'on entend à répétition et qui sont collés à certains enfants. Ils sont utilisés comme des synonymes et semblent simples... alors qu'ils renvoient à une réalité complexe.
Dans les films, on représente souvent les jeunes surdoués — surtout à l'adolescence — comme des personnes ayant du mal à s'intégrer : sur tous les plans, ils semblent différents et l'affichent.
Ils ont de longs cheveux hirsutes ou des lunettes au bout du nez, ils sont timides, introvertis, la tête dans les nuages, ils semblent décalés et ils ne savent quoi dire sauf quand ils parlent de sujets qui les passionnent !
Ces enfants tranchent ! Et les autres leur renvoient une image négative d'eux-mêmes en leur collant souvent des surnoms qui renforcent souvent leur sentiment d'isolement ou de rejet.
Pourquoi leur réalité complexe ne devrait-elle pas être caricaturée ?
Eh bien ! d'abord, parce que tous les enfants sont différents les uns des autres et que le fait de regrouper certains sous une étiquette ne signifie pas qu'ils soient pareils et homogènes : cela veut seulement dire qu'ils ont des points communs relativement à certains critères.
Ensuite, parce que beaucoup d'enfants sont brillants sans qu'on ne leur appose cette étiquette ; ils traversent donc les étapes scolaires en se distinguant par leurs bonnes notes, mais sans faire de vagues et sans être considérés comme « différents » de leurs camarades.
Enfin, parce que les préjugés foisonnent et que les enfants à haut potentiel semblent trop souvent dotés d'un fardeau qui leur gâche la vie au lieu de les munir d'une arme naturelle ou de les avantager par rapport à d'autres...
Que sont le haut potentiel intellectuel, la douance, etc. ?
La plupart du temps, on les cerne en se servant du concept de l'intelligence. Celle-ci étant difficile à définir et n'étant pas l'objet d'un consensus, c'est une conception de l'intelligence ou, comme certains préfèrent le dire, ce sont des aptitudes cognitives qu'on cherche à mesurer à l'aide de tests psychométriques pour déterminer le quotient intellectuel (QI) (Le QI est un indice statistique qui permet de situer les performances d'un individu par rapport à une population de référence).
Le premier test d'intelligence a été créé, à la demande de l'État français, par Alfred Binet en 1905, non pour distinguer les individus particulièrement brillants mais, au contraire, pour repérer les enfants faisant face à des difficultés d'apprentissage en raison d'un retard intellectuel.
Son test, l'échelle métrique de l'Intelligence d'Alfred Binet et de Théodore Simon, ou le Binet-Simon, a été modifié et repris aux États-Unis sous le nom de Stanford-Binet.
L'Allemand William-Stern aura, en 1912, l'idée de diviser l'âge mental indiqué par le test par l'âge physique réel et de multiplier le résultat 100, ce qui donne un quotient, et sera appelé par la suite QI. Ainsi, un enfant de 12 ans montrant au test les mêmes aptitudes que la moyenne des enfants de 10 ans aurait un âge mental de 10 ans.
Les premières études sur les « surdoués » ou « génies » aux États-Unis ont été menées par Lewis Terman à partir de 1921 : ce chercheur a suivi pendant plus de 30 ans environ 1500 enfants californiens au QI supérieur à 140 dans le but de dévoiler la composante héréditaire de l'intelligence dans une étude nommée Genetic studies of Genius*. Il a montré, entre autres choses, que les enfants doués sont loin de correspondre aux stéréotypes courants qui les associent à une mauvaise santé, à une mauvaise adaptation sociale, à une instabilité émotionnelle, etc.
Par la suite, au milieu du XXe siècle, un psychologue américain, Wechsler, a conçu l'Échelle d'Intelligence de Wechsler pour enfants (la WISC, Wechsler Intelligence Scale for Children) pour mesurer sa conception de l'intelligence, soit « la capacité globale ou complexe de l'individu d'agir dans un but déterminé, de penser d'une manière rationnelle, et d'avoir des rapports utiles avec son milieu » (Wechsler**, 1956). Elle reflète des compétences langagières, logico-mathématiques et spatiales. C'est surtout cette échelle, revue plusieurs fois au fil du temps, qui est utilisée en France pour évaluer le QI.
Au fil du temps, différentes conceptions de l'intelligence ont été proposées. On entend ainsi parler d'intelligence pratique, d'intelligence créative, d'intelligence analytique (Sternberg), d'intelligence émotionnelle, d'intelligence sociale, etc.
Certains chercheurs remettent même en cause l'idée d'une intelligence générale (le fameux « facteur g »). Évidemment, selon la façon dont on définit celle-ci, on utilise différents moyens de l'évaluer. Malgré tout, ce sont des tests de QI qui sont utilisés pour mesurer l'intelligence et apposer des étiquettes.
En France, pour qu'on puisse parler de « douance » ou autres hautes aptitudes, le QI total de l'enfant (soit un facteur général de mesure de l'intelligence) doit être supérieur au seuil arbitraire de 130.
Quelques signes typiques des enfants précoces
Il semble très en avance sur son âge sur plusieurs plans. Par exemple :
Les enseignants sont souvent ceux qui détectent des enfants à HP et aiguillent les parents : ils relèvent leur vitesse de compréhension et leur apprentissage rapides, et leurs idées originales. Souvent, sur leurs conseils, les parents sont amenés à consulter.
Certains enfants ne répondent pas aux stéréotypes courants et ont un haut potentiel même si leur entourage ne s'en rend pas compte. Parfois, c'est parce que leur QI est hétérogène : ils sont brillants dans un des domaines mesurés par le test, et moyens dans un autre. Au quotidien, cela se manifeste par des matières où ils brillent alors qu'ils ne se distinguent pas dans d'autres.
Des idées préconçues ou non ?
Lorsqu'on fait le tour des textes publiés sur le Web, notamment de témoignages d'individus à HP ou de comptes rendus de psychologues, on relit indéfiniment des commentaires qui se rejoignent. On y parle souvent moins de la chance des enfants à HP que des problèmes que, victimes de leur douance, beaucoup d'entre eux affrontent dans la vie.
Mythes, idées reçues, ou réalité ? Les liens entre haut potentiel et créativité, sens de l'humour, échec scolaire, anxiété ou instabilité émotionnelle ou dépression, dyslexie, troubles du spectre de l'autisme, troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité, hypersensibilité, décrochage scolaire, etc., ont la vie dure.
Voici quelques idées courantes, et les résultats, contraires ou non, de recherches scientifiques :
De nombreuses études scientifiques indiqueraient, donc, le contraire des idées véhiculées. Est-ce à dire que des enfants à HP ne se heurtent pas à ces problèmes ? Eh bien, non ! Ce qu'ils vivent est très réel : comme tous les enfants qui affrontent des difficultés, ils doivent composer avec leur situation et la surmonter. L'aide de leur entourage est donc très importante ; leur environnement familial, scolaire et social aura des incidences sur le développement de leur potentiel, sur leur motivation, sur leurs efforts, etc.
La manière dont un QI élevé s'exprime ne dépend pas seulement de la structure anatomique et génétique d'un individu, mais aussi du milieu et de l'environnement dans lequel il grandit, des occasions qui se présentent à lui et de sa chance.
Éducation et enfants à HP
Il arrive, bien sûr, que des enfants à HP obtiennent de très bons résultats à l'école et qu'ils préfèrent rester avec leurs camarades plutôt que de s'engager dans une voie qui les distinguerait.
Mais il est d'autres jeunes à HP qui s'ennuient à l'école, et cela affecte leurs résultats. Ils apprennent beaucoup plus vite que la majorité de leurs compagnons, alors ils se tournent les pouces une bonne partie du temps. Pour ne pas qu'ils se désintéressent des cours et de leurs camarades, et qu'ils manifestent des comportements perturbateurs ou qu'ils soient amenés à décrocher, il faut parfois penser à des solutions alternatives.
Au lieu de considérer l'éducation comme un moyen pour que tous les enfants d'un même âge aient le même niveau au même moment, on peut voir l'éducation comme un moyen de permettre à chacun de se développer au maximum à son rythme.
Il existe trois façons d'aider les enfants à haut potentiel qui s'ennuient à l'école
L'enfant prodige coréen Kim Ung-Yong, au QI de 220, a été invité à l'âge de sept ans à la NASA, où il a commencé à mener des recherches alors qu'il n'avait pas 12 ans ! Avant même d'entrer dans l'adolescence, il fréquentait l'université !
De ses années d'enfant exceptionnel figurant dans le Livre Guinness des Records, il retient pourtant qu'il vivait comme une machine ; et, au lieu de souligner son génie, il relève tous les champs où ses compétences étaient limitées, comme le chant et le sport.
Il rappelle au monde qu'il n'est pas sain de juger les autres en fonction de critères uniques et limitants, car les gens sont différents les uns des autres, et pas seulement sur le plan de leurs talents et de leurs compétences : ils ont des aspirations et des rêves différents, qu'il faut respecter.
S'il est bon d'aider les enfants à haut potentiel, intellectuel ou autre, à se réaliser et à s'épanouir, c'est eux qu'ils faut écouter : ce ne sont ni les aspirations personnelles de leurs parents, qui peuvent désirer assouvir un besoin narcissique, ni la société, qui peut exercer une pression malsaine en mettant de l'avant la nécessité de « performer » et de réaliser son potentiel à n'importe quel prix.
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Un article signé LMT pour PopMoms, tous droits réservés©
Crédit photo : merci à connor-botts-724833-unsplash
*Lewis Terman, 1925, Genetic Studies of Genius, Stanford: Stanford University Press ; Lewis Terman, Melita H. Oden et Nancy Bayley, 1947, The Gifted Child Grows Up: Twenty-five Years' Follow-up of a Superior Group, Genetic studies of genius. v. 4. Stanford: Stanford University Press.
**Cité dans PsychologueAdosEnfantsParis
***Livre « Les surdoués ordinaires » de Nicolas Gauvrit
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