« Il faut jouer pour devenir sérieux » disait Aristote !
Qui n'a jamais vécu cette situation ? A table, confortablement assis sur sa chaise haute, votre enfant attrape sa cuillère puis la laisse tomber par terre. Vous pensez d'abord à une maladresse, vous ramassez la cuillère, la nettoyez si nécessaire et la lui rendez, histoire qu'il ne pleure pas. Il vous regarde alors fixement et laisse échapper la cuillère à nouveau, prenant soin de vérifier qu'elle est bien arrivée au sol. Vous ramassez encore une fois la cuillère que vous lui tendez, afin de voir s'il recommence. Et il recommence. Amusé(e) ou énervé(e), vous lui donnez la cuillère pour la énième fois. Il la jette à nouveau par terre, vous regardant d'abord, observant ensuite le sol...
Ne vous méprenez pas. Votre enfant ne cherche pas ici à vous défier ou à tester votre patience. Il expérimente ! Il joue et apprend. Il multiplie les essais pour voir si la cuillère tombe ou ne tombe pas, découvrant ainsi les lois de la gravité !
Ainsi, pas de doute. Le jeu favorise les apprentissages, quels qu'ils soient !
De quels jeux parle-t-on ?
Si le jeu est une activité dont le but essentiel est le plaisir qu'il procure, il existe une grande variété de situations de jeu.
Se référant aux stades de développement de l'enfant, Jean Piaget proposait la classification suivante : jeux d'exercice, jeux symboliques, jeux de règle ; les jeux de construction offrant une transition entre chacune de ces catégories.
Mais il est également possible de définir le jeu selon une autre typologie permettant d'identifier :
Selon Michel Van Langendonckt, coordinateur pédagogique de la formation Sciences et Techniques du jeu de la Haute école Bruxelles-Brabant, « le jeu libre consiste à utiliser des jouets de façon autonome, en créant ses propres règles. Il permet le développement personnel et le développement de la personnalité. Ce type de jeu oblige à être inventif et créatif, il permet de moduler l'environnement à ses propres besoins ». Le jeu est donc une étape très importante dans la construction de l'enfant.
Ainsi, même si les enfants ne jouent pas dans le but spécifique d'apprendre et d'acquérir des compétences dites scolaires, ils acquièrent toujours des compétences par le jeu. Ils déploient leur imagination, approfondissent des réflexions, trouvent des solutions pour concrétiser leurs envies, développent leurs comptences sociales (quand ils sont à plusieurs) et, très fréquemment, développent leur compétences mathématiques !
Des chercheurs ont analysé des vidéos montrant quatre-vingt-dix enfants âgés de 4 ou 5 ans, en train de jouer pendant un quart d'heure, afin de déterminer des pratiques liées aux mathématiques dans leur jeux de tous les jours. Ils ont identifié 6 catégories de disciplines mathématiques :
Les auteurs de l'étude mentionnée ci-dessus (intitulée « Jouer pour apprendre les mathématiques ») concluent : « la plage de notions mathématiques se dégageant de cette étude était impressionnante, tout comme la fréquence avec laquelle les enfants s'engageaient dans des activités mathématiques. Au moins 88% des enfants ont participé à au moins une activité mathématique pendant ces 15 minutes ».
Le jeu dirigé implique, pour sa part, la participation d'un ou plusieurs adultes qui laissent toutefois une certaine autonomie à l'enfant.
Ce type de jeu entretient le caractère exploratoire du jeu libre tout en incorporant une structuration. Une modalité de jeu qui permet aux enfants d'apprendre efficacement.
Selon L'Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants, des études ont démontré « que des enfants participant à des activités composées de jeu dirigé étaient plus susceptibles de retenir des éléments ciblés d'information par rapport à ceux engagés dans des activités de jeu libre ». Plus encore, dans certains cas, l'étude montre que des enfants qui participent à des activités de jeu dirigé absorberont mieux les règles que ceux ayant reçu un enseignement direct ! Pourquoi ? On peut aisément comprendre que les enfants soient plus réceptifs à un jeu auquel il doivent participer plutôt qu'à une règle qu'ils doivent exécuter, quand bien même le jeu impliquerait les mêmes règles !
Le jeu régi par des règles a également ses vertus. Respect du cadre, des autres, du matériel... Un jeu qui nécessite de se conformer aux règles est un peu comme l'école de la vie. Mais c'est également un très bon outil d'apprentissage qu'il soit étiqueté « jeu éducatif » ou pas.
Prenons, le cas spécifique des jeux de société. Il existe de nombreux jeux de plateau et jeux de cartes, par exemple, qui ont vocation à aider les enfants à apprendre ou réviser des notions scolaires.
De grands éditeurs se sont d'ailleurs engouffrés dans ce cette voie, comme par exemple Hatier qui a décliné son Bescherelle en « Super Défi ».
Des éditeurs, plus petits, se sont également spécialisés comme AB Ludis (dont la collection Tam Tam offre une mécanique similaire à celle du Dobble pour jouer, notamment, avec les additions ou les multiplications) ou Aritma, qui coédite avec Cocktail games la collection Didacool, un collection de jeux pédagogiques qui compte notamment Calculodingo ou Orthodingo, des jeux également utilisés par les orthophonistes.
En matière de calcul mental, si un simple jeu de dés permet de s'exercer, des jeux plus sophistiqués sont également de la partie. Le jeu de plateau Mathador célèbre ainsi ses 20 ans cette année. Conçu par un professeur de mathématiques pour un usage d'abord scolaire, ce jeu inspiré du fameux « Compte est bon » du jeu télévisé « Des chiffres et des lettres » permet aux enseignants d'offrir à leurs élèves une gymnastique mentale que le concepteur du jeu qualifie d'indispensable.
Gymnastique tout à fait ludique qui plaît aux enfants comme aux professeurs. Le principe du jeu Mathador ? Deux dés sont lancés indiquant, en les associant, un nombre cible. Cinq autres dés aux nombres de faces différents, lancés à leur tour, donnent les chiffres à disposition des joueurs pour parvenir au résultat. Additions, soustractions, multiplications et divisions... toutes les opérations sont permises. Le joueur qui s'approche au plus près du nombre visé peut être déclaré vainqueur. Mais, attention, des points sont à gagner en fonction du type d'opérations utilisé !
En fait, de jeux de questions en jeux de stratégie, de jeux de cartes en jeux de dés : tous les jeux de société permettent d'apprendre !
« Tous les bons jeux de société sollicitent des compétences particulières qui contribuent à l'apprentissage de ton marmot », interpelle Alicia, l'une de contributrices de plateaumarmots.fr, site qui teste les jeux de société pour enfants. « Leurs apports pédagogiques sont tels qu'il m'est difficile d'en dresser une liste exhaustive : lecture, mémoire, concentration, logique, culture générale, motricité fine, observation, communication, vocabulaire, imagination, dextérité, repérage dans l'espace, rapidité d'action. »
Mais guidés, en utilisant des jeux appropriés (qui peuvent être des jeux de société ou même des jeux vidéo adaptés), les enfants sont aussi en mesure d'apprendre efficacement certaines connaissances scolaires.
« Les études démontrent sans cesse que le jeu n'est pas seulement distrayant, mais constitue également un outil d'enseignement précieux. En particulier, le jeu guidé et soutenu par l'adulte ainsi que le jeu comportant des règles aident l'enfant à acquérir des concepts mathématiques de manière immuable et qui l'aident à résoudre d'autres problèmes », concluent les auteurs de l'article « Jouer pour apprendre les mathématiques ».
Pour autant, force est de constater que le jeu n'est pas toujours le bienvenu à l'école.
« Pour beaucoup, apprentissage et jeu constituent deux notions bien distinctes, voire antagonistes... D'un côté l'apprentissage qui s'apparente à quelque chose de sérieux, à du travail ; et de l'autre, le jeu qui est davantage perçu comme une occupation de loisir, plus ou moins futile... Lorsque mon fils était en petite section de maternelle, j'avais pour habitude, chaque matin, de lui dire quelque chose du genre : Passe une belle journée à jouer mon p'tit coeur... ; et voici ce que m'avait rétorqué l'institutrice, et qui m'avait laissé sans voix : Vous savez madame, ici on ne fait pas que jouer, on travaille et on apprend des choses! », relate Delphine Leca, psychologue à l'occasion d'un article publié sur son blog Babybaboo.
Pourtant, dans les petites classes de maternelle, les coins jeux offrent aux enfants des possibilités d'imiter, d'échanger, d'apprendre.
Jouer semble plus compliqué lorsque les apprentissages deviennent plus formels.
L'utilisation de jeux ou supports ludiques dépend essentiellement de l'intérêt des professeurs et de leur perception de ce que peuvent apporter les jeux en matière d'enseignement.
Si, lorsque l'on fait des recherches sur internet, on trouve de nombreux enseignants blogueurs adeptes des apprentissages par le jeu - comme par exemple Mathieu Quénée, professeur des écoles et ludologues, qui tient Le blog de monsieur Mathieu - tous les enseignants ne suivent pas cette direction.
Certains parce qu'ils ne sont pas à l'aise avec l'idée de jouer avec leurs élèves, d'autres parce qu'ils ne sont pas convaincus de l'intérêt pédagogique de ce type de support.
Les arguments en faveur de l'utilisation des jeux en classe peuvent néanmoins être rappelés :
« J'ai pu observer un certain nombre d'enseignants qui utilisaient le jeu dans leur classe de façon extrêmement pertinente. Ils savaient tirer parti intelligemment de la motivation suscitée chez leurs élèves par une pratique inhabituelle et introduire des méthodes d'exploitation du jeu qui mettaient en évidence tout le profit que les élèves pouvaient en tirer, les qualités qu'ils développaient et leur permettaient d'évaluer leurs progrès dans différents domaines (maîtrise de soi, raisonnement, exploitation des notions apprises...) », souligne Evelyne Vauthier, inspectrice de l'Éducation nationale, dans « Un mode d'apprentissage efficace », un article du dossier « Le jeu en classe » publié en 2006 par le magazine Les Cahiers pédagogiques.
Certains établissements et parents ont décidé d'aller plus loin encore. Les adeptes des « écoles démocratiques » et de « l'unschooling » militent pour l'abandon des apprentissages formels.
Dans le cas des « écoles démocratiques », le cadre est celui d'un lieu collectif où chaque enfant décide de son programme et gère les activités qu'il a choisies en autonomie, sans cours, sans professeur.
Dans le cas de « l'unschooling », l'enfant n'est pas scolarisé et apprend de lui-même ce qu'il a envie d'apprendre, sans cadre prédéfini. L'idée est ici de faire confiance à la curiosité naturelle des enfants, avec le jeu qui représente l'un des vecteurs privilégiés des apprentissages. Trampoline, cuisine, partie de Monopoly... tout est prétexte à apprendre sans presque s'en rendre compte !
Et vous, qu'en pensez-vous ? Le jeu a-t-il, selon vous, une place à l'école ? Jouez-vous à des jeux éducatifs avec vos enfants ?
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Sources
Un article signé Yaël Landau pour PopMoms, tous droits réservés©
Yaël Landau est maman de 4 enfants. Journaliste et blogueuse, elle a aussi créé 8h45.com, un nouveau média destiné aux parents !
Crédit photo : un immense merci à Markus Spiske @ Unsplash