Considérées comme des produits naturels, les huiles essentielles (HE) ne doivent pourtant pas être utilisées sans précaution !
Ces concentrés actifs de plantes, aujourd'hui banalisés et en vente libre pour la majorité d'entre eux, ne sont en effet pas sans danger, en particulier pour les enfants.
« Les huiles essentielles sont des actifs naturels, concentrés et puissants, à utiliser avec précaution et modération », prévient le Consortium Huiles Essentielles, un groupement d'entreprises qui milite pourtant pour faire connaître les bienfaits de ces essences.
Huiles essentielles : de quoi s'agit-il exactement ?
La définition adoptée par la Commission de la Pharmacopée Européenne est la suivante : une huile essentielle est un « produit odorant, généralement de composition complexe, obtenu à partir d'une matière première végétale botaniquement définie, soit par entraînement à la vapeur d'eau, soit par distillation sèche, soit par un procédé mécanique approprié sans chauffage. L'huile essentielle est le plus souvent séparée de la phase aqueuse par un procédé physique n'entraînant pas de changement significatif de sa composition. »
En d'autres termes, une huile essentielle (qui - malgré son nom - ne contient aucun corps gras) provient de substances extraites de fleurs, de feuilles, de fruits, de graines ou encore d'écorce de plantes. Et différents procédés permettent d'extraire ces composés odorants et volatils.
L'huile essentielle est un donc concentré de substances issues d'une matière première végétale. Obtenir un litre d'huile essentielle de lavande nécessite, par exemple, 300 kg de fleurs !
« Les plantes synthétisent naturellement des molécules aromatiques afin de se protéger contre les insectes nuisibles, se reproduire ou même communiquer.
Ces substances, également appelées essences, sont extrêmement odorantes et volatiles. Il suffit de passer à côté de certaines fleurs, de froisser une feuille ou de frotter une racine entre ses mains pour que leurs parfums viennent chatouiller les narines.
Utilisées en diffuseur, ajoutées à l'eau du bain, ingérées, appliquées sur la peau, ou en inhalation, ces huiles sont proposées comme compléments alimentaires, produits cosmétiques, dispositifs médicaux ou simples parfums d'ambiance », explique la DGCCRF dans un document téléchargeable.
Quinze huiles essentielles ne peuvent être délivrées qu'en pharmacie en raison de leurs propriétés neurotoxique, irritante, phototoxique ou cancérigène. Les autres huiles essentielles, environ 500 (dont 80 huiles essentielles courantes), sont en vente libre et distribuées par différents circuits (pharmacien, magasins spécialisés, etc.).
Selon leur utilisation et leur revendication, elles sont soumises à des réglementations distinctes : réglementation des produits cosmétiques, des biocides (sprays assainissants), des médicaments à base de plantes, des produits à usage alimentaire (arômes et compléments alimentaires), etc.
Aujourd'hui, il n'existe pas de réglementation unique applicable à l'ensemble des huiles essentielles en France.
Les HE destinées à parfumer l'air ambiant doivent, par exemple, comporter un étiquetage conforme à celui des substances dangereuses.
Certaines huiles essentielles non diluées, vendues comme produits finis pour des finalités cosmétiques doivent suivre la réglementation européenne relative aux cosmétiques si elles sont destinées à « être mises en contact avec les parties superficielles du corps humain [...] ou avec les dents et les muqueuses buccales »;
De plus - toujours selon la réglementation européenne - leur fonction doit être « exclusivement ou principalement de les nettoyer, de les parfumer, d'en modifier l'apparence, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles ».
Pour autant, lorsqu'elles sont considérés comme éléments entrant dans la composition des parfums et des savons, les huiles essentielles sont alors considérées comme uniquement des ingrédients et cette même réglementation ne s'applique pas.
D'autre part, les huiles essentielles présentées avec des allégations thérapeutiques entrent dans la catégorie des médicaments et ne peuvent être vendues qu'en pharmacie après autorisation.
« Les huiles essentielles ne doivent pas être présentées sans fonction déterminée. De fait, il incombe au responsable de leur mise sur le marché d'informer les consommateurs sur le mode et les précautions d'emploi. C'est donc en fonction de la destination mentionnée sur l'étiquette, l'emballage ou la notice que chaque produit peut ainsi entrer dans une catégorie soumise à réglementation particulière », précise la DGCCRF.
L'étiquetage est donc très important. Et chaque consommateur doit en prendre connaissance avant utilisation.
HE : pourquoi faut-il s'en méfier ?
En 2015, selon le centre anti-poison (CAP) des Hauts de France, 141 cas d'intoxications aux huiles essentielles ont été recensés dans la région, contre 18 en 2000, rapportait le quotidien La Voix du Nord, en mars 2017.
Ingestion, inhalation prolongée ou application cutanée inappropriée (sur surface trop importante, ou sur une peau très fine, etc.) : les modalités d'intoxication possibles sont plurielles.
Au total, quelque 1173 cas ont été signalés au CAP des Hauts de France entre 2000 et 2015. Les trois quarts de ces intoxications (73 % précisément) concernaient des enfants âgés de moins de 15 ans, et plus de la moitié (60 %) étaient des enfants âgés de 1 à 4 ans.
Les enfants sont particulièrement vulnérables.
En 2015, le magazine féminin ELLE présentait ses excuses après avoir publié un article qui recommandait de donner aux enfants victimes du mal des transports une cuillère à café d'huile essentielle de menthe poivrée diluée dans un verre d'eau.
« Il s'agissait en fait d'eau florale de menthe poivrée, et non d'huile essentielle, ces dernières pouvant être dangereuses et devant être utilisées avec précaution, en particulier chez les enfants », indiquait Françoise-Marie Santucci, à l'époque directrice de la rédaction de l'hebdomadaire, dans un communiqué. Car, en effet, l'ingestion telle que recommandée pouvait exposer les plus jeunes à des risques de convulsions ou des intoxications sévères.
« Certaines huiles essentielles mises non diluées à la disposition du public, peuvent par mésusage être utilisées telles quelles et s'avérer toxiques en particulier chez l'enfant. Il est donc impératif d'attirer l'attention sur les effets résultant d'une utilisation incontrôlée. Les effets secondaires sont d'autant plus à prendre en compte qu'il existe un risque de banalisation de tels usages favorisé par la dénomination produits naturels », alertait l'Afssaps (l'Agence française de sécurité sanitaire sur les produits de santé), en 2008.
« Trop souvent, les parents considèrent que ces huiles sont forcément bénéfiques pour la santé de leurs enfants car issues de plantes et donc sans danger », notait le Dr Mathieu, responsable du centre anti-poison des Hauts de France, à l'occasion d'un article publié sur le site internet de l'émission Allodocteurs.
« Or, ce sont des produits très concentrés qui peuvent devenir toxiques si la dose prescrite est dépassée ».
Toujours selon le Dr Mathieu : « Ces produits ne sont pas fait pour les enfants, sauf s'ils sont prévus spécifiquement pour eux, avec des dosages adaptés ». Il rappelle par ailleurs que, dans tous les cas, ils ne doivent pas être utilisés chez un enfant de moins de 36 mois.
De manière générale, les huiles essentielles sont déconseillées aux populations fragiles et à risque : enfants, femmes enceintes et allaitantes, personnes présentant des problèmes respiratoires en particulier.
Dans le domaine des produits cosmétiques, l'Afssaps publiait en 2008 des recommandations à destinations des industriels, mettant l'accent sur trois huiles essentielles à ne pas donner aux enfants : le camphre, l'eucalyptol et le menthol, produits à base de terpénoides.
« Le camphre, l'eucalyptol et le menthol proviennent notamment d'huiles essentielles présentes dans certains produits cosmétiques. Plusieurs effets indésirables graves (convulsions, absences) ont été observés principalement chez des nourrissons, après l'utilisation de produits cosmétiques contenant du camphre, de l'eucalyptol et du menthol.
Cette situation a conduit l'Afssaps à engager une évaluation sur la sécurité d'emploi de ces produits lorsqu'ils sont appliqués en massage sur le dos ou le thorax des enfants.
L'Agence a ainsi saisi la commission de cosmétologie en vue d'élaborer des recommandations sur les « concentrations limites autorisées dans les produits cosmétiques destinés à des enfants jusqu'à l'âge de 6 ans », peut-on lire sur le site de l'Agence française de sécurité sanitaire sur les produits de santé.
Les cas de mauvaises utilisation, et en particulier de surdosage sont fréquents : le Consortium Huiles Essentielles rappelle que, selon les centres Anti-poisons, 95% des effets indésirables répertoriés avec les huiles essentielles sont le fait de mésusages.
En ce qui nous concerne, nous ne savons pas, chez PopMoms, si ces cas de « mésusages » englobe l'ingestion, l'inhalation ou application cutanée de la part même des jeunes enfants, par accident ou lorsqu'ils prennent des flacons pour s'amuser.
Une chose est sûre : ces cas ne sont pas rares.
« La majorité des cas pédiatriques concernant les enfants en dessous de 7 ans sont dûs à une ingestion unique par la bouche », soulignait cet été Nadine Martinet, chercheur honoraire à l'ICN (Institut de Chimie de Nice) ayant une formation de médecin dermatologue/allergologue et de docteur en biologie, lors de son intervention aux Aromadays, le congrès de référence des huiles essentielles, qui s'est déroulé les 4 et 5 juillet 2019 à Avignon.
Parmi les recommandations préconisées par cette chercheuse, « il conviendrait de mettre un bouchon de sécurité enfants à tous les flacons. »
En attendant d'avoir ses flacons mieux équipés, il est ainsi important de tenir toute huile essentielle hors de portée et de vue des plus jeunes.
De même, rappelle le centre anti-poisons belge sur son site internet : ne placez pas de diffuseur d'huiles essentielles à portée des enfants.
Terme inventé au début du XXe siècle par le chimiste René-Maurice Gattefossé, l'aromathérapie désigne le traitement de douleurs, troubles et pathologies avec des huiles essentielles.
Si l'on se fie à Wikipédia, gravement brûlé, René-Maurice Gattefossé fut rapidement atteint de gangrène gazeuse. « En dernier recours, retirant ses bandages, il appliqua sur ses plaies infectées de l'huile essentielle de lavande.
Selon la légende, les résultats furent stupéfiants, et confirmèrent son intuition : l'essence de lavande possédait de réelles propriétés antiseptiques et cicatrisantes.
Dès lors, René-Maurice Gattefossé consacra une partie de ses recherches aux propriétés des huiles essentielles. »
L'aromathérapie, appliquée sous contrôle médical strict et dans les limites imposées par la toxicité potentielle de certaines HE, est utilisée à l'hôpital, en oncologie, par exemple, mais aussi en pédiatrie.
« Il est possible d'utiliser des HE douces choisies pour leur innocuité biochimique et leurs fragrances généralement appréciées par les enfants, pour calmer, apaiser, sécuriser l'enfant, lutter contre le stress d'une hospitalisation, la nervosité, les difficultés d'endormissement, la survenue ou la récidive de cauchemars », peut-on lire dans un document disponible sur le site de l'Afedi (Association Francophone Européenne des Diagnostics, Interventions et Résultats Infirmiers), édité en 2018 et intitulé Aromathérapie scientifique - préconisations pour la pratique clinique, l'enseignement et la recherche.
« L'application topique pertinente des traitements aromatiques permet une action à la fois locale, systémique et olfactive (psycho-active) », poursuit le document qui indique, par ailleurs, que les toux, otites, sinusites ou rhino-pharyngite ainsi que les affections de la sphère cutanée peuvent également être accompagnées par les huiles essentielles, tout comme la bronchiolite du nourrisson nécessitant de la kinésithérapie respiratoire.
Pour autant, si l'aromathérapie s'invite dans les hôpitaux ce n'est que pour des pathologies ou des situations bien ciblées et dans des conditions d'utilisations strictes. Car si les bienfaits de l'aromathérapie sont réels, ce n'est que dans le cadre d'une utilisation bien définie, en respectant doses et méthodes d'administration.
« Pour faire en sorte que l'aromathérapie, ne soit que du bonheur, il est important d'être non seulement efficace sur la pathologie à traiter, mais aussi et surtout, il est primordial de ne pas nuire à l'état de santé. Il est donc vivement conseillé de s'instruire sur ce sujet des huiles essentielles avant de s'auto-médiquer avec elles, avoir aussi des ouvrages pour être guidé, éventuellement suivre des ateliers d'aromathérapie familiale pendant lesquels on peut poser ses questions », indique Aude Maillard, docteur en Pharmacie, aromatologue et réflexologue qui anime des ateliers autour de l'aromathérapie ainsi que des formations pour devenir aromathérapeute.
Consulter un médecin ou un pharmacien surtout, est fortement conseillé.
La DGCCRF a dressé une liste de recommandations qu'il convient de connaître avant d'acheter ou d'utiliser des huiles essentielles.
Le Consortium Huiles Essentielles a lui-même édité un document visant à mieux informer le public.
Ainsi, selon la DGCCRF :
Le Consortium Huiles Essentielles rappelle notamment que certaines huiles essentielles peuvent être irritantes, et qu'il est ainsi recommandé de toujours effectuer un test de tolérance cutanée en versant une ou deux gouttes du produit dans le pli du coude au moins 48 heures avant toute première utilisation à l'état pur ou dilué.
Selon ses membres, les « principales règles à respecter dans tous les cas » sont les suivantes :
Selon l'âge des enfants, d'autres conseils sont disponibles sur le site qui porte le nom de Laurence Pernoud, auteur de livres à succès ayant pour thème la puériculture
Par ailleurs, le site anti-poisons belge, donne des informations quant aux démarches à suivre en cas d'intoxication.
Utilisez-vous des huiles essentielles ? Saviez-vous qu'il fallait les les utiliser avec prudence ? Quels sont vos retours d'expérience ? N'hésitez pas à les partager sur le groupe Facebook Mamans et Papas, infos, entraide et rires (PopMoms Community) !
Pour en savoir plus sur les huiles essentielles :
Pour aller plus loin
PopMoms est une application gratuite, sociale et solidaire d'entraide entre parents.
Un article exclusif signé Yaël Landau pour PopMoms, tous droits réservés©
Yaël Landau est maman de 4 enfants. Journaliste et blogueuse, elle a créé le blog 8h45.com destiné aux parents et le site 6foisplus dédié à l'apprentissage par le jeu.
Crédit photo : un immense merci à Christin Hume @Unsplash