L'ADN peut-il nous révéler notre potentiel de départ ? Notre intelligence relève-t-elle de notre code génétique ?
Le séquençage complet de l'ADN du génome humain s'est achevé en 2003.
... Et il n'a fallu que trois ans pour que des sociétés telles que 23andMe ou encore Navigenics lancent des kits de profilage permettant à tout un chacun — à partir de l'analyse d'un simple cheveu ou d'un échantillon de salive — de connaître son patrimoine génétique et de détecter ses prédispositions à telle ou telle maladie (parkinson, diabète, etc.) afin de les anticiper et, possiblement, de s'en prémunir.
Si les prédispositions génétiques aux maladies nous semblent plausibles, qu'en est-il de nos prédispositions intellectuelles ?
Des aptitudes prédéterminées...
Selon plusieurs scientifiques, nos facultés intellectuelles — tout comme nos prédispositions physiques — seraient prédéterminées par notre patrimoine génétique !
Déjà, au 19e siècle, le britannique Francis Galton, cousin de Charles Darwin, s'était attelé à aborder la question de l'intelligence de manière formelle et avait affirmé en 1869 que les facultés mentales se transmettaient par sélection naturelle ! (cf. Hereditary Genius)
Plus tard, dans les années 70, deux auteurs avaient à nouveau fait grand bruit sur la question en soutenant que différents traits dont l'intelligence pouvaient être héréditaires : Jean-Pierre Hebert, avec son ouvrage « Race et intelligence », et le psychologue britannique, Hans Jürgen Eysenck, avec son livre « L'inégalité de l'homme ».
Très critiqués à l'époque, leur point de vue a depuis été soutenu par de nombreux scientifiques.
Plus récemment, par exemple, Robert Plomin, professeur de génétique comportementale à l'Institut de Psychiatrie King's College de Londres et auteur de « G is for Genes. The Impact of Genetics on Education and Achievement (« G pour les Gènes, l'impact de la génétique sur l'éducation et les performances ») a défendu la thèse selon laquelle nos gènes impacteraient indubitablement nos aptitudes intellectuelles ! Il s'est basé pour cela sur l'étude de milliers de jumeaux.
Les études sur les jumeaux
Tout au long du XXe siècle, des chercheurs se sont penchés sur les cas des jumeaux évoluant dans un contexte identique (élevés dans la même famille et recevant une même éducation) ou — au contraire — séparés à la naissance et placés dans des familles aux caractéristiques socioéconomiques et culturelles très différentes.
L'objectif était de déterminer la part de l'inné et celle de l'acquis et, plus particulièrement, de mesurer l'impact du patrimoine génétique sur l'intelligence et la personnalité.
Les études menées ont souvent eu des résultats contradictoires, certaines démontrant l'impact décisif de l'environnement socio-économique sur les facultés intellectuelles et les caractéristiques comportementales des enfants, d'autres, au contraire, mettant en lumière l'importance du caractère héréditaire et polygénique (dû à plusieurs gènes) sur les facultés intellectuelles des enfants, sans pour autant pouvoir précisément isoler les gènes spécifiques rattachés à l'intelligence au sein du génome humain.
Mais plus récemment, le généticien Robert Plomin, dans son ouvrage paru en 2018 « Blueprint: How DNA Makes Us Who We Are » (« Comment l'ADN nous définit et fait ce que nous sommes ») relate les résultats de ses recherches portant sur la comparaison de l'ADN de 13 000 jumeaux. Robert Plomin aurait identifié quelque 500 gènes, qu'il aurait corrélés à notre capacité à résoudre des problèmes complexes, à développer des raisonnements ou encore à assimiler de nouvelles notions.
Ainsi, un enfant possédant les traits génétiques répertoriés, serait plus apte à assimiler rapidement des notions, à établir des connexions et à formuler de nouveaux raisonnements, alors qu'un un enfant génétiquement « sous-doué » aurait quant à lui, moins d'aptitudes, d'intérêt et de plaisir à suivre un cursus académique et serait dès lors, prédisposé à devoir fournir beaucoup plus d'efforts que la normale pour obtenir potentiellement les mêmes résultats.
Ce point de vue assimile donc des prédispositions cognitives, liées à des traits génétiques répertoriés, que l'on associe à de « l'intelligence ».
Mais qu'est l'intelligence ? Peut-on la mesurer ?
Depuis des décennies, différents tests ont été conçus pour mesurer l'intelligence.
Au XIXe siècle, on pensait que l'intelligence d'une personne était déterminée par la taille de son cerveau et qu'elle était purement mathématique !
Aujourd'hui, « 11-plus », « facteur G » (pour Général), « QI » et bien d'autres tests encore continuent à être utilisés pour quantifier les capacités intellectuelles des uns et des autres et pour ouvrir l'accès à telle ou telle école huppée ou à tel ou tel poste professionnel prestigieux.
Pourtant, tout un chacun sait aujourd'hui qu'il existe plusieurs formes d'intelligence (mathématique, émotionnelle, relationnelle, etc.) et que le succès d'une personne n'est pas nécessairement corrélé à ses capacités « intellectuelles ».
Mieux encore, la notion même de succès est interrogée ! Qu'est le succès ? La réussite professionnelle ? Sociale ? Familiale ? Une aptitude au bonheur ?
Ainsi, même si le milieu académique continue de valoriser apprentissages théoriques et les indicateurs classiques que sont les aptitudes aux mathématiques et plus largement analytiques, de nouvelles formes de pensée émergent et valorisent plutôt « le développement personnel » et la capacité d'un individu à créer un écosystème professionnel, familial et social harmonieux.
De nombreuses entreprises axent désormais partiellement leurs choix de recrutement sur des quizz émotionnels et comportementaux, indiquant la prédisposition d'un candidat à pouvoir coopérer avec le groupe, sa capacité à fédérer des équipes (leadership) et à pouvoir prendre de décisions éclairées dans un contexte de stress émotionnel, tout en tenant compte de l'intérêt général.
L'intelligence émotionnelle devient ainsi un critère de recrutement croissant en entreprise, où les tests de QI (Quotient Intellectuel) coexistent désormais avec les quizz relatifs au QE (Quotient Emotionnel).
Le Quotient Émotionnel (QE)
C'est le psychologue et journaliste Daniel Goleman qui dans son ouvrage publié en 1995, popularise le terme d' « intelligence émotionnelle » introduit par le psychologue Peter Salovey en 1990.
Goleman explique dans son ouvrage que « l'être humain n'est pas seulement doté d'une intelligence logico-mathématique et verbale (le fameux QI) mais qu'il dispose aussi d'une autre forme d'intelligence, tout aussi importante dans la vie quotidienne, notamment professionnelle ».
Toujours selon Goleman, l'intelligence émotionnelle se caractérise par « l'habilité à percevoir et à exprimer des émotions, à les intégrer pour faciliter la pensée, à comprendre et raisonner avec les émotions, ainsi qu'à réguler les émotions chez soi et chez les autres ».
Il expose ainsi dans son livre qu'un être doué d'une intelligence émotionnelle supérieure aura une meilleure capacité que la moyenne à prendre conscience de ses propres émotions (et donc à les comprendre et à les maîtriser), il aura plus d'aptitude à l'empathie — c'est-à-dire à pouvoir saisir et tenir compte des émotions des autres — et il sera donc mieux disposé à créer du lien social, à travailler en équipe, et à vivre harmonieusement en société.
L'ouverture à de nouveaux courants de pensée qui prennent en compte toute la richesse d'un être humain, ses émotions et aptitudes relationnelles et sociales, son ouverture, sa créativité, son originalité, son empathie, sont d'autant plus pertinents, à l'ère de l'essor de l'intelligence artificielle, déjà capable — dans certains domaines notamment analytiques — de rivaliser voire de dépasser l'intelligence humaine.
L'Intelligence Artificielle (IA) va-t-elle rivaliser avec l'humain ?
En 1997, IBM s'était illustré avec la victoire du supercalculateur Deep Blue sur Garry Kasparov, alors champion du monde d'échecs et considéré, aujourd'hui encore, comme l'un des meilleurs joueurs d'échecs de l'histoire.
Aujourd'hui, l'IA (Intelligence Artificielle) s'illustre dans tous les domaines : jeux, services financiers, recherche médicale, voitures autonomes... et devient de manière croissante un outil d'aide à la décision, voire un outil de création.
A Hong Kong, la société de capital-risque Deep Knowledge Venture (DKV) fait siéger ainsi, depuis 2014, un algorithme prénommé Vital à son conseil d'administration ! Vital formule des recommandations d'investissements et sa « voix » compte tout autant que celle des autres membres du conseil d'administration de la société !
Les prouesses de l'intelligence artificielle ne sont pas seulement purement mathématiques. De nombreuses initiatives, telle que Hexachords, une IA créée par la start-up française éponyme et « première intelligence artificielle au monde capable de composer de la musique orchestrale », s'inscrivent dans une démarche créative.
Mais celles-ci demeurent anecdotiques face aux usages purement analytiques des algorithmes dans tous les pans de notre économie.
Dans son ouvrage best-seller « 21 leçons pour le XXIe siècle », Yuval Noah Harari insiste sur le fait que nous allons assister, de façon croissante, au glissement de l'autorité des hommes aux algorithmes.
Et si, tout au long de son ouvrage, il s'attache à démontrer l'impact de l'intelligence artificielle sur nos vies et sur le marché de l'emploi actuel et futur, il se préoccupe tout autant de l'enseignement académique et des apprentissages encore dispensés à nos enfants.
Il souligne notamment le fait que les écoles et institutions continuent pour la plupart à « pourvoir les élèves d'un ensemble de compétences prédéterminées » alors que les technologies transforment le monde et nos besoins !
Toujours dans son ouvrage, Yuval Noah Harari souligne le fait que l'éducation classique qui consiste à accumuler de l'information n'est plus appropriée dans notre monde en devenir, un monde où nous allons bientôt affronter « des choses que personne n'aura encore jamais rencontrées » :
Face à ce monde inconnu, soumis au changement accéléré, et face à l'inéluctable stress auquel seront soumises les générations à venir sans cesses contraintes de s'adapter et de se redéfinir sur les plans professionnels et sociaux, sur quoi devrions-nous — parents ou enseignants — capitaliser ?
Sur quoi donc capitaliser ?
Il va de soi que nos enfants devront toujours apprendre à développer leurs capacités analytiques et à enchaîner des raisonnements logiques.
Mais les grands penseurs d'aujourd'hui et de nombreux spécialistes de pédagogie s'accordent désormais sur l'importance de transmettre à nos enfants certaines valeurs et certaines facultés dès l'enfance, et notamment :
L'ouverture, la créativité, l'autonomie, le sens de l'initiative, la collaboration, la flexibilité (faculté d'adaptation), la persévérance, la capacité à se faire confiance, la capacité à reconnaitre et à accueillir ses émotions, et celles des autres (empathie)...
Ainsi, plus que jamais, notre implication en tant que parents dans l'éducation de nos enfants s'avère nécessaire.
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